DERRIERE LA VITRE DU SILENCE II26

Publié le par ANTONIO MANUEL

Nouvelle poussée de recto-colite hémorragique ce matin. Stupeur en constatant la présence de glaires et de sang après ces quelques semaines de répit. Vais-je devoir augmenter la cortisone ?
Hier j’ai voulu contacter ma gastro-entérologue parce que, ayant obtenu tous les résultats des analyses demandées, je ne savais pas s’il me fallait simplement les remettre à sa secrétaire afin qu’elle m’appelât quand elle en aurait pris connaissance, ou s’il était préférable de prendre dès maintenant un rendez-vous…Elle ne travaillait pas le mardi après-midi. La secrétaire me conseilla de rappeler aujourd’hui dans la journée, elle serait là à partir de quatorze heures. Et ces symptômes tout à l’heure d’un rappel de la maladie…
Je ne souffre pas. La dose quotidienne de cortisone m’épargne la douleur. Enfin, je n’ai pas de douleurs abdominales. Juste, depuis la semaine dernière, une gêne pénible ressentie en marchant au niveau de la hanche droite. Peut-être le signal d’une inflammation gagnant les articulations ? Comme ces maux de gorge qui persistent depuis un mois pour le traitement efficace desquels mon généraliste ne peut rien me prescrire d’autre que des pastilles  antiseptiques adoucissantes…
Je me sens trop lourd à porter. Comment m’émanciper de moi-même ? Le yoga, la psychanalyse, les médicaments se révèlent trop souvent incapables de m’alléger. Je me suis demandé, hier soir en regardant l’émission passionnante de Marc-Olivier Fogiel, ce que mon ami pouvait bien apprécier en moi. Le soutien qu’il représente à mes yeux ? L’assurance que j’ai besoin de lui pour vivre, même si j’essaie de m’en défendre, d’apparaître indifférent, autonome, voire parfois distant ?
J’ai toujours eu des difficultés à gérer cette distance entre les autres et moi. Ma façon d’être, dans mon rapport à l’autre, m’a été reprochée en différentes circonstances. Méprisant, froid, orgueilleux alors que ce n’est qu’une armure derrière laquelle abriter ma fragilité, le masque de dédain et d’insolence que je redoute tant d’ôter de peur d’exposer le visage de ma honte et de ma faiblesse, de tomber sans pouvoir me relever…
Alors comment peut-il me déclarer que je suis sa raison d’être, en affirmant avec colère et jalousie que mon travail d’écriture « me  bouffe la vie », « nous bouffe la vie » ?
Je ne peux pas m’abandonner à lui, lui confier tous pouvoirs sur ma vie. Je l’ai fait autrefois. Je l’aurais cru sincèrement, à dix-neuf ans, mais ça n’est plus possible après  avoir essuyé les trois échecs de relations sentimentales longues et fusionnelles.
Cependant, nous demeurons ensemble. Il nous est nécessaire de nous retrouver chaque week-end, de partager quelques heures dérobées à la maladie, à son emploi du temps chargé, à l’écriture. C’est un amour qui se démontre dans nos coups de téléphone quotidiens, dans la pensée obsédante de l’autre, aimé en dépit des résistances et des heurts. C’est la volonté d’envahir tout l’espace du cœur d’un autre fantasmé, sublimé par l’attente et le désir de voir se réaliser le grand œuvre : la délicate alliance, complexe et évidente, de deux êtres semblables, au fond, dans leurs espérances trahies, l’alchimie subtile de leur substance en un trésor inestimable.
La perfection n’existe pas plus dans l’amour que dans un autre domaine. Le bonheur est dans l’acceptation du mortel que l’on est.
 
Je n’ai jamais entendu parler autant de l’Education Nationale que depuis la rentrée scolaire. Il ne se passe pas une semaine sans que ne soit révélé le drame d’une violence exercée à l’encontre d’un élève ou d’un enseignant. Que sont devenus nos idéaux ? Quel avenir se forge ainsi dans le franchissement, de part et d’autre, des limites qui séparent la pensée d’un acte délictueux de sa concrétisation ? Autour de moi, ce ne sont que plaintes, peurs et résignation. La colère gronde aussi face au malaise croissant d’un système qui ne peut que confirmer une disharmonie du corps social dont il est le reflet. Restaurer le respect mutuel et les bienséances : mais comment ? Parce qu’il a été décrété qu’il devait en être ainsi, assisterons-nous à un sursaut de la société prenant soudain conscience de ses défaillances ? Les exigences fondamentales des professeurs, comme celles des parents d’élèves, seront-elles enfin satisfaites ?
Je me souviens de mes premières années dans l’enseignement. Je portais en moi la passion des Lettres, la confiance en notre pouvoir de combattre l’échec scolaire, d’y porter activement remède en suivant les instructions officielles, miroir des différents projets proposés par le gouvernement. Nous accueillions chaque nouvelle approche des difficultés de nos élèves avec un enthousiasme intact. Nous étions convaincus du rôle crucial de L’Education Nationale pour pallier les inégalités sociales. Du moins c’est ainsi que je percevais nos efforts permanents pour conduire un nombre grandissant d’adolescents, qui accédaient en classe de sixième, vers la réussite professionnelle, l’épanouissement intellectuel et culturel, l’intégration sociale.
Aujourd’hui, la maladie me permet d’observer le mal être de nombreux enseignants. D’entendre leurs revendications d’une amélioration de nos conditions de travail et d’une augmentation de notre pouvoir d’achat. Je traverse la ville et je suis affligé par la détresse de certains de mes concitoyens, contraints à la mendicité pour subsister. Lorsque j’allume mon poste de télévision, j’assiste au spectacle de l’opulence côtoyant le dénuement.
Je me dis que nous sommes tout prêts de l’œil du Cyclone. Son tourbillon déplace un air malsain que je respire avec désolation. Dans quelques jours, les élections municipales décideront sans doute de la clémence du climat à venir ou de l’accélération de sa dégradation sensible. Je fais le rêve de LUTHER KING d’un avenir d’abondance et de fraternité.
 
Les rafales du mistral agitent les pins sous ma fenêtre. Leur souffle a dégagé le ciel d’un bleu pastel. Le soleil illumine la journée. J’aimerais être un peintre pour fixer la beauté mouvante de la nature. A Quelques kilomètres la mer doit arborer sa parure de métal écumante. Saisir ses reflets d’argent et d’azur, les sensations éblouissantes du promeneur malmené par le vent, les embruns sur ma peau et la senteur de l’iode.
 
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R
comme tous les jours, j'admire ce courage et ta lucidité face à la maladie même si ce doit pas etre facile pour ta famille et tes proches ! tu es aimé et çà c'est important ! affectueuses pensées d'un vendredi soir
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T
Tu es revenu faire un petit tour chez moi merci !<br /> je viens de lire ta page de ce jour, mais il me semble nécessaire que je reprenne la lectrure de tes écrits depuis le début, car j'ai besoin de m'impregner pour comprendre les choses !<br /> Cela va me demander un peu de temps mais je vais le faire car j'ai encie de le faire !<br /> Ensuite je pense que je serai totalement en phase pour écrire des commentaires !<br /> J'ai juste besoin d'un peu de temps car je traverse une période particulièrement difficile et malheureusement je ne suis pas capable de me concentrer comme j'en ai l'habitude !<br /> En attendant je te transmets toutes mes amitiés et pour ne pas manquer les prochains articles que tu feras paraître je vais m'abonner à ta news !<br /> Bon courage à toi<br /> Trinity
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C
Coucou, merci pour ton com sur mon blog, cela me touche et je te fais de gros bisous. J'ai passé une très bonne soirée et j'ai été contente de trouver ton petit mot en rentrant.
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C
Je n'ai pas de mots devant tand de souffrance, je t'envoie milles bisous pour te remonter <br /> Tonétoile
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P
les mots me manquent devant cette maladie et cette souffrance...<br /> <br /> PAs facile l'amour a distance mais le besoin reste là...<br /> <br /> bisoussssssss
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