DERRIERE LA VITRE DU SILENCE 29

Publié le par ANTONIO MANUEL

 
Deux jours de diarrhées qui m’ont littéralement épuisé ne m’ont pas permis d’écrire hier le texte que je mets quotidiennement en ligne depuis cinq semaines. J’ai passé la journée à dormir, dans la mesure du possible, et à me reposer. Je ne sais pas si cet épisode de diarrhées est à mettre sur le compte de la baisse de la dose journalière de cortisone, une baisse de vingt milligrammes, que m’avait vivement conseillée mon généraliste, estimant que trois semaines de corticothérapie à soixante milligrammes était largement suffisantes pour enrayer la poussée de recto-colite hémorragique, et qu’il fallait désormais commencer à réduire les doses en commençant par huit à dix jours à quarante milligrammes, avant de poursuivre la baisse de dix milligrammes chaque semaine de la quantité restante administrée quotidiennement. Diarrhée aiguë dont quatre sachets de Smecta et quatre gélules de Tiorfan, un pansement gastro-intestinal, anti-diarrhéique et un anti-diarrhéique plus puissant à l’action antisécrétoire de l’eau dans l’intestin, ont fini par venir à bout, associés à une diète alimentaire appropriée, hier après-midi.
C’est avec joie que ce matin, je me retrouve pianotant sur le clavier de mon portable afin de renouer le lien involontairement et  fugitivement interrompu avec vous. L’écriture peut reprendre ses droits et assurer, entre autres, sa fonction d’intermédiaire entre vous et moi. A propos de l’écriture, je me suis livré ces jours derniers à une petite expérience dont l’idée m’est venue en constatant le peu de lecteurs qu’avait suscité un cours texte poétique en prose que j’avais rédigé pour le forum d’un site à vocation littéraire puisqu’il s’intitule « Ecriture : vos mots en toute liberté » et qu’il est, sous une rubrique commune, conjoint à un autre forum s’intéressant au « livre qui a changé « notre » vie ». La lecture des textes, orientée par le titre qui seul apparaît sur la page du forum parmi tous les autres, et dont le succès est indiqué par le nombre de lecteurs, comptabilisé et apparent, dont il a retenu l’attention m’avait laissé passablement perplexe. En effet la médiocrité, à mon humble avis et pour ne pas faire montre de plus de sévérité, des productions qui suscitaient le plus grand nombre de lectures était tellement patente, à mes yeux, que je restai incrédule, ne comprenant pas les raisons d’un tel engouement pour ce que j’estimais, très modestement, sans aucun intérêt littéraire. C’est pourquoi je choisis un des plus beaux vers de la poésie française pour titre d’un texte inexistant, puisque seul le titre visible génère le nombre de sélection du texte dont il est censé indiquait le contenu. Il s’agit de la chute du magnifique poème de PAUL ELUARD  intitulé « Le front aux vitres », à savoir : « Et je ne sais plus tant je t’aime lequel de nous deux est absent ». La connaissance que j’en ai depuis mes quinze ans n’en épuise pas la beauté difficile à expliciter sinon par l’énigme sémantique que pose lors de sa découverte le paradoxe apparent qu’il représente, la simplicité des termes pour décrire la sensation de confusion avec l’autre produite par l’amour, l’intensité du sentiment évoqué, l’interrogation sur sa propre identité que fait naître ce sentiment, le manque inhérent au désir qui nous attache à l’autre exprimé avec une telle évidence, dans une formule dont la limpidité, affective, et la concision sont telles qu’on ne peut qu’en subir le charme, au sens étymologique du terme, c'est-à-dire sa magie incantatoire. Le résultat de cette petite expérience ne me surprit guère et sans vouloir me vanter me rassura sur la qualité de mes écrits. En effet depuis plusieurs jours que le merveilleux vers d’ELUARD intitule un texte fictif, il n’a retenu l’attention et suscité l’envie de lire le texte auquel il est supposé renvoyé, que l’on est en droit de s’imaginer de la même veine que les quelques mots qui le composent, de seulement vingt-cinq personnes quand les plus plébiscités recueillent le suffrage de plus de deux cents lecteurs ! Textes dont l’indigence, la maladresse, la lourdeur, les impropriétés lexicales, les incorrections syntaxiques, en un mot la méconnaissance de la langue française, dans laquelle ils sont écrits, dont ils témoignent laissent assez mal augurer de celle des lecteurs qui s’en sont régalés ! Si Paul ELUARD, dont le génie poétique est incontestable et reconnu, ne parvient pas à retenir l’attention de plus de vingt -cinq lecteurs en une semaine alors je n’ai pas à m’offusquer du peu d’intérêt manifestée pour mon humble production…Ce n’est pas sans poser le problème de la lecture en France ni celui de la place que l’Education Nationale concède à l’enseignement du français. Les professeurs de Lettres ne sont pas en cause mais bien plutôt la politique appliquée par les établissements scolaires qui jouent le jeu social consistant à prôner comme critère absolu de réussite l’accès aux sections scientifiques qui ouvrent toutes les portes des classes préparatoires supérieures et des plus grandes écoles, y compris celles qui ont pour vocation de former les futurs agrégés de Lettres, ce qui est un comble ! Que les élèves quittent le lycée avec un niveau déplorable en français, n’alignant pas une phrase sans commettre les erreurs les plus condamnables après tant d’années d’apprentissage de la langue depuis le cours préparatoire, semblent laisser le monde indifférent…Cependant, le regain d’intérêt récent pour le français comme critère permettant de départager les meilleurs candidats aux concours d’entrée dans certaines écoles d’études supérieurs réputées, permet d’imaginer un avenir plus clément en ce qui concerne la valeur accordée à l’enseignement du français et par conséquent une appréhension globalement plus juste de ce qui est littéraire et de ce qui ne l’est pas. Ce qui ne devrait pas être sans incidences sur les choix éditoriaux des grandes maisons d’édition, dans un futur lointain et espéré…Le succès mondial du cycle romanesque d’Harry Potter, avec ses vingt-et-un millions d’exemplaires vendus en France, laisse songeur.
Chaque jour, dans la rue ou dans les rayons de mon hypermarché, je croise des visages qui m’interrogent toujours sur le monde de pensées abritées par leur front. Je me demande quelles sont leurs préoccupations, s’ils jouissent d’une excellente santé ou bien s’ils sont affectés d’une ou de plusieurs pathologies plus ou moins graves, de quoi sont constituées leurs journées, comment ils occupent leur temps libre, s’ils travaillent, s’ils sont tributaires de l’assurance chômage, s’ils vivent seuls ou ont une famille, un conjoint, des enfants, un chien, dans un appartement ou une maison dont ils sont locataires ou  propriétaires, s’ils sont heureux, tristes mais résignés ou rêvent d’une autre vie en attendant l’occasion de concrétiser leurs aspirations qui remontent à l’enfance ? Je les frôle mais même si nos yeux ne se croisent pas, leur existence m’intéresse, me questionne comme le miroir de ma propre vie, de mes choix, de mes réussites et plus que de mes échecs, le miroir de mes projets suspendus, à l’évolution de ma maladie bien sûr mais aussi, je veux  le croire, à ma volonté de les faire advenir. J’aime toutes ces personnes croisées, l’adolescent et sa rébellion provisoire contre ses parents, ses professeurs, le système scolaire qu’il juge carcéral, ce corps qui s’est soudain métamorphosé et dont il faut réapprendre les limites et les possibilités, les exigences et la liberté nouvelle qu’il promet, le rang social auquel il permet d’accéder ; cette femme qui lutte contre le temps, les désagréments de la ménopause, l’absence des enfants si vite devenus adultes et autonomes, la routine de sa vie de couple qui il y a trente ans présageait pourtant une existence si pleine, si belle, si heureuse… ; cet homme manifestement célibataire qui dépose sur le comptoir de la caisse des aliments plus choisis pour satisfaire ses goûts que l’équilibre nutritionnel de son assiette, d’ailleurs sa corpulence est à cet égard éloquente ; ce couple et leur enfant qui semblent n’avoir aucun problème, élégamment vêtus selon les indications de la mode du moment, calmes, se parlant posément, souriants ; le SDF agressif ou implorant dont la situation me peine et me laisse impuissant ; cette voisine obèse, à la face marbrée, qui l’autre soir titubait devant sa porte, m’interpellant parce qu’elle ne parvenait pas à enfoncer sa clé dans la serrure…Je vous croise mais vous ne me reconnaissez pas. Je suis celui qui vole à  votre visage ses expressions, essayant de reconstituer par l’écriture le cheminement de votre vie, traquant dans les sillons creusés par les rides et dans le cercle bleu-gris de vos cernes la richesse de vos années et les soucis qui vous tourmentent. Je n’invente rien, je me fais l’historien de mon quotidien que je lis à travers vos regards. Encore une fois quand je vous parle de moi, il est toujours question de vous qui me lisez ou ne me lisez pas. Derrière la banalité de la vie que je m’efforce de vous décrire le plus sincèrement qu’il m’est possible, se profile la variété de toutes celles que j’imagine chaque jour en vous croisant dans la rue ou dans l’hypermarché.
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D
Cher Antonio Manuel, j'espère que vous vous sentez mieux en ce jour, et que vous n'aurez plus d'épisode si douloureux de diarrhée.<br /> Bien à vous.
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F
Bonjour Antonio, comme disait Sacha Guitry :"Si les gens qui disent du mal de moi savaient ce que, moi, je pense d'eux... ils en diraient davantage !" : c'est la pensée du jour. Agrégé de lettres, j'apprécie la qualité littéraire de vos textes et si je trouvais, dans les copies de mes agrégatifs, une telle richesse de vocabulaire et une syntaxe aussi variée que correcte, j'en serais ravi. Merci d'avoir rendu à travers votre écriture un si bel hommage à Paul Eluard. Au plaisir de vous lire encore.
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A
BONJOUR A TOUS  ET A TOUTES! Je vous remercie d'être toujours aussi nombreux à me lire et j'apprécie les commentaires que vous me laissez quels qu'ils soient car comme l'écrivait NIETZSCHE "ce qui ne me tue pas me rend plus fort". TRES CORDIALEMENT, ANTONIO MANUEL.
F
quel manque de tolérance....vos critères de la "qualité littéraire" ne sont pas universels, et ce qui touche au travers d'un texte, c'est l'émotion ressentie. <br /> <br /> Votre écriture est trop calculée, trop pesée, trop empesée, pas assez naturelle, faisant cotoyer dans une mêm phrase des mots très recherchés, et des tournures maladroites. Oui, c'est cela pas assez naturelle, spontanée.<br /> <br /> Et pour ce qui est du fond, décrire vos troubles ne mène à rien. Trop nombriliste, trop descriptif.
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L
antonio, vous avez vous aussi de vrais talents d'écrivain...et vous savez si bien décrire ce que vous voyez....<br /> merci pour vos passages réguliers sur mes blogs....<br /> bon week end ensoleillé (du moins ici en limousin!)<br /> laurence
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J
Antonio!Je suis heureuse de te retrouver après les épreuves de ses dernier jour.Toujours fidèle a toi même et tu décris si justement toute ses personnes que tu rencontre chaque jour et ton coeur de poète vois au-delà des apparences.Merci de me permettre chaque jour de te connaitre un peu mieux.Je te souhaite un WE plein de soleil.Amitiès.Jeannette.
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