MON DERNIER RECIT 38

Publié le par ANTONIO MANUEL

 

Viens ! Mais ne me surprends pas les yeux clos. Dans l'inconscient du sommeil tu m'as pris déjà. Me laissant orphelin de toute image de toi.

Viens ! Immisce-toi dans mon écriture, tous mes mots t'accueillent sans désinvolture. Ils t'ouvrent grande leur signifiance.

Je sais qu'il est une heure, un lieu de toute éternité prédits pour tenter de saisir ton passage, ce rapt de ce qu'est la vie.

Te nommer n'est rien dire de plus que l'ignorance où chacun se trouve privé des vocables précis pour décrire ta beauté outragée, folle, scandaleuse, de point sur le cours d'un scénario. Une baroque fantaisie où l'on pourrait faire se lever tous les jets d'eau mêlés aux flammes, aux artifices, d'un ciel paré pour une apothéose.

Ta monstruosité comme telle n'a pas d'équivalent vivant dans la langue pour laisser s'ébattre et se figer la réalité de ton imminence commune, connue et déniée. Il est plus simple, en effet, de te refuser l'existence puisque lorsque de tes voiles irisés de la poudre précieuse des ailes d'un papillon tu m'enveloppes, à l'instant même je ne puis plus te connaître dans le râle sauvage de ton étreinte vénéneuse. Je te suis livré, délivré, soumis à ton silence resplendissant, au respect que ton mystère impose jusqu'aux rituels sacrés des Eglises. Tu me prends, je m'abandonne dans l'espoir que cet orgasme, le seul définitif, frappé d'une langueur infinie, dont la violence me ravit soudain la vie même qui me fut offerte,

me révèle ta turgescence qui m'emplit de ton corps transparent et m'empale aux ciels de tous les supplices acidulés d'aimer.

Ainsi, je veux te rencontrer. Dans la violence fulgurante de ton baiser empoisonné. De tous les baisers donnés je veux avoir la remembrance magique dans cet ultime accord charnel où l'âme reste à tout jamais invulnérable, inviolable dans son coffret de marbre blanc. Que tous les gestes d'amour me traversent et m'épuisent en un soupir de volupté brûlant comme un éclair la mémoire de m'être ainsi tant de fois donné.

Je refuse ce silence vide et misérable, d'une absence totale de conscience, à jamais perdu. Je refuse cette mainmise de l'angoisse qui force le corps à garder l'opacité d'un viol sous hypnose. Quand tu as dû forcément t'annoncer avec la vélocité d'une hyène se jetant sur une carcasse sans vie. Les battements de mon cœur se sont tus et le tracé de ma conscience active s'est transformé en une ligne lumineuse et hurlante aux oreilles des médecins engagés dans l'urgence de leur lutte inégale contre toi.  Je n'étais plus rien déjà qu'un corps mort, sous les chocs électriques violemment subis, un pantin désarticulé, arqué sous la pulsion d'une vie artificielle. Un pantin désespérément se défilant dans l'eau de son inconscience étale, eau d'une onde mauvaise, d'un plongeon insolite résultant d'une alchimie verbale ratée.

Viens ! Mais fais-moi face, mes yeux grands ouverts. Je veux assister à ton sabbat, ta danse mémorable et fatale.

Je rêve de coller mon corps contre toi dans un désir obtus. Celui-là seul que tu accepteras, de toi seule contre moi.

Viens ! N'oublie pas ma prière post scriptum d'être présent dans ton insolence, la nonchalance de qui se fait fort de vaincre sans devoir lutter. J'ai cédé tant de fois ma vie à l'immensité du ciel. Elle me fut toujours in extremis rendue comme un droit non échu. Je te supplie d'avoir la décence d'épargner à mon corps tes outrages. Que nul ne devine mon enlacement actif, aucun froissement d'ivresse. Que l'enveloppe découverte au matin garde le secret de son bastion ornemental, ce parfum de sanctuaire, d'asile, de refuge où se cachent les racines profondes de mon intimité.

Un texte, c'est si peu pour décrire le ballet qui fait danser nos vies au creux de toi et nous éloigne de ton remous de terre retournée. Pourtant, il en sera de moi comme des autres que ton approche a murés dans un silence ébloui dont le masque mortuaire peint sur le visage des défunts tente d'effacer l'empreinte dans la chair de nos chairs inscrite.

Un texte pour une absente. Des mots pour circonvenir l'indifférente à l'amour, au temps, aux jouissances, à la vie. Tu me pousses là où je ne peux plus fuir. Là où la laideur de certains précipite le déclin du commencement de gloire de mon nom. Je ne me battrai pas pour préserver ma solitude ni ma souffrance. Je laisserai à la vie le devoir de se charger de mon insuffisance. Que les mots me sauvent ou m'enterrent. Que l'écriture joue son rôle de puissance tutélaire qui conduit en terres saintes le génie qui se sait habité par la démence de sa faculté de pouvoir tout signifier. L'ineffable même qui a un terme pour évoquer ce qui ne peut se dire autrement qu'en un aveu d'une impuissance victorieuse. Car évoquer simplement les éthers insaisissables du réel suffit à en rendre compte dans leur totalité de donnée indicible qui néanmoins s'insurge dans la quiétude de la conscience pour y semer le désarroi d'une langue en défaut de combler la vacance d'une absence de clarté que l'intelligence taxe de vanité.

Mais les mots toujours s'inclinent en une fausse humilité devant le réel qui sans eux s'exhalerait en un parfum en souvenir d'autrefois. Ils ont l'omnipotence, la science et l'excellence de qui les manipulent, comme un sculpteur la terre qui prend forme sur le tour, sans craindre de plonger ses mains dans cette matrice qui contient du monde, le début, le nœud de l'intrigue et sa fin.

Immersion régressive in utero où, le clapotis de l'eau des premières larmes dans les yeux, on perçoit les parois de ce nid de faïence où s'est abritée notre naissance. Un microcosme à l'image de l'univers dans lequel l'amour va nous expulser, hors de cette prison de chair, où se vivait l'illusion d'être partie intime d'un tout.

Et commence la chorégraphie subtile qui frôle sans cesse le danger du baiser qui pétrifie la vie. Mais c'est dans cette alliance d'amour, de mort et de vie que l'existence se savoure dans la conscience d'un interdit que l'on transgresse à l'infini.

La mer au-dedans de soi désormais disponible à l'oreille comme le chant vaste d'un coquillage, laisse monter et descendre ses marées qui volent entre les doigts de pieds le contact soudain déstabilisé du sable se dérobant sous la plante de nos pieds. L'on se laisse alors prendre chaque fois plus de sable jusqu'à la chute humide et molle sur ce lit de roche immergée concassée en une multitudes de perles inégales, minuscules comme les atomes visibles d'un astre broyé en des fragments de matière innombrables.

La mer entrée en soi comme la certitude des mondes réconciliés dans les bras de l'univers immense. Plus de cordon qui nous relie au placenta d'une nature qui nous comble. La satiété enfin acquise comme la certitude heureuse d'avoir regagné son royaume après un long exil.

 

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R
Viens ! tends moi la main ce que tu fais tres souvent !<br /> Viens ! Ecris ce que tu fais si bien !<br /> Viens ! Donnes nous à lire, encore de l'émotion !<br /> Viens ! Ecris encore avec pudeur et passion !<br /> Viens ! la mer t'attend !<br /> Viens ! et tout sera serein !<br /> Je t'embrasse
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J
Bonjour Antonio<br /> Ton texte est très émouvant beau et triste a la fois.<br /> C est le reflet de ton âme et de ton coeur mais je te vois autrement un écrivain plein de talent poète amoureux de l'écriture et des belles phrases cette hymne à l'amour est le reflet de ton talent.<br /> Je t'embrasse très fort Jeannette
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