MON DERNIER RECIT 27 ( EXTRAIT )
Encore quatre jours d'innocence. Quatre pages de chance et d'urgence. Comme on peut gober le matin, à jeun, la fraîcheur et la vitalité d'un œuf cru.
Ma peau est tellement sèche que des crevasses, des coupures, des gerçures se forment sur mes pieds, sur mes mains malgré la crème spécifique généreusement appliquée soir et matin.
Je suis obligé d'hydrater mon visage, le contour de mes yeux, les ailes du nez, mes lèvres, plusieurs fois par jour, en évitant surtout l'usage des produits hydratants masculins, sous forme de gels, irritants et desquamants.
Mon corps est comme un marais dont le sel se charge de l'eau bue en abondance toute la journée. La cortisone a ce grand pouvoir de m'assécher comme un cours d'eau soudain aride, impuissante à guérir les plaies de mes viscères tuméfiés.
Les os effilés de mon squelette debout sont, paraît-il, de plus en plus apparents, saillants au niveau des coudes, des genoux, de la ceinture scapulaire, des omoplates, des hanches.
Je ne les vois pas. Ni la maigreur de mes cuisses ou de mes bras.
Je suis un village, une ville, tout un pays, une vie à moi seul, multiple par la mémoire de l'écriture qui me transporte au-delà du temps et du lieu.
J'aimerais terminer la lecture de NICOLAS PAGES de GUILLAUME DUSTAN. C'est comme s'il ne voulait pas qu'on le suive sur une route rectiligne mais qu'on soit partie de ce maelström qu'est sa vie où des plages de récit normé émeuvent plus que l'effervescence composée de pages hallucinées de la forme stellaire des ancres qu'un navire jetterait, de la poupe à la proue, pour s'amarrer comme une étoile des mers gigantesque.
Ne pas être relié, ici ou là. Voyager, voguer en ne faisant que des haltes provisoires, des volontés d'espoir déçues, d'amours prétendues. Le repos comme une absence, une vacance de la conscience ou la folie d'une ivresse absolue.
J'écris cela pour qu'il ne meure jamais.