MON DERNIER RECIT 18 (EXTRAIT)
Tout le monde aime DALIDA. Les homosexuels en ont fait une de leurs icônes gays. Comme une marque de sensibilité exacerbée au tragique de la destinée. La vivante statue de la beauté intense d'être née pour mourir de cette intensité. Dans cette intensité. Emportée par son énergie même. Sa folie. Sa quête artistique d'une éternité à donner à la cruauté de la condition humaine impensable, invivable. Juste figurable le temps d'en rendre tangible la grâce et la monstruosité, le scandale de sa finitude imposée, dans le dénuement extrême et la vieillesse du corps dévasté, de la mémoire vacante comme le corridor d'un asile d'aliénés. Habitable un moment seulement. De même que le temps d'écrire paraît une faveur démesurée. Pour préparer cette mise en scène, réelle, de sa vie dévorée par la posture artistique de qui acquiesce à la condition de choisir sa fin. Sublime toujours. Dans le dernier livre du poète. L'œuvre filmique ultime de la star du cinéma. Le dernier chant. Le masque ôté de cet artiste ridicule qui frottait son visage fardé d'un démaquillant, pour clore son numéro de travesti sans voix, d'un regard épuré, lavé comme en un baptême répété chaque soir pour s'imprégner de la beauté éphémère de la vie, ne jamais cesser de s'en persuader. La vie semblable aux ailes de velours moiré, fragiles, frémissantes dans leur immobilité dessinée comme une œuvre d'art, d'un papillon que les deux doigts serrés d'un enfant, qui veut s'en emparer, tue avec une délicate méticulosité. Il n'est pas possible d'enfermer la ferveur de la beauté de la vie dans un bocal de verre transparent. Impossible de l'exprimer. Vouloir l'approcher, avec une humilité dont l'obscure immensité la fait paraître plus lumineuse encore, est la seule concession que l'art permet à l'être humain à l'égard de la beauté du rêve d'exister dans l'instant d'une éternité.